Entretien avec ... un vampire?
par: Valérie Saucier
révisé par: Marie-Audrey Nadeau Fortin et Patricia Bolduc
«Quelle idée de compter les moutons quand le sommeil tarde à venir! C’est franchement ridicule. Et honteux. Les moutons ne sont pas bêtes : la nuit, ils dorment, eux, ils ne trépignent pas, ils ne désespèrent pas […], ils tissent de doux rêves. Alors, de grâce ne les réveillez pas à coup d’un-deux-trois. Surtout qu’on peut très bien compter les chauves-souris.» - Francis Dannemark
Comme cette semaine, c’est l’Halloween et la semaine nationale des chauves-souris (vous me voyez venir) j’ai décidé d’écrire un peu sur ces bestioles à qui l’ont prête parfois d’effrayantes intentions. Très peu de choses sont connues sur l’état des populations de chauves-souris, leur nombre, leur distribution et leurs migrations. C’est ce qui rend les efforts de conservation difficiles. Par contre, certains mythes ou questionnements ont été élucidés. En voici quelques-uns.
Est-ce que les chauves-souris sont des vampires ?
Malgré le fait qu’elles vivent la nuit, ce ne sont pas toutes les chauves-souris se nourrissent de sang. Seulement trois espèces le font et elles vivent en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Toutes les espèces de chauves-souris du Québec sont insectivores (elles mangent des insectes comme le papillon de nuit et l’éphémère ou encore les moucherons), alors pas d’inquiétude de ce côté-là. Fait intéressant : la plupart des chauves-souris ne mangent pas les insectes directement par la bouche, mais les capturent par leurs ailes avant! Elles peuvent capturer les insectes autant au vol qu’au repos. Elles chassent généralement près des plans d'eau, de la cime des arbres ou de bâtiments avec des lumières (la lumière attire les insectes).
Combien d’espèces de chauves-souris retrouve-t-on au Québec ?
Au Canada, il y a 19 espèces de chauves-souris dont 17 sont résidentes (elles restent au Canada à l’année). Au Québec, ce sont huit espèces qui peuvent être facilement différenciées par leurs couleurs, la taille des oreilles, des dents et des pattes postérieures. On retrouve :
La grande chauve-souris brune (Eptesicus fuscus)
Résidente. Elle mesure entre 9 à 13 cm et a une envergure de 32 à 39 cm. Elle pèse environ 23 g. Son pelage a une grande diversité de couleurs et a une apparence huileuse. Sa face, ses oreilles, ses ailes, son museau et sa queue sont noirâtre et ressemblent à du cuir.
La chauve-souris argentée (Lasionycteris noctivagans)
Migratrice. Elle mesure de 9 à 11 cm et a une envergure de 26 à 31 cm. Elle pèse entre 6 et 12 g. Son pelage est noir avec des poils argentés sur le dos.
Photo: Roger Barbour
La chauve-souris rousse (Lasiurus borealis)
Migratrice. Elle mesure entre 9 à 11 cm et a une envergure de 29 à 33 cm. Elle pèse de 8 à 18 g. Le mâle a une fourrure rousse-orangée alors que la femelle arbore plutôt du jaune-marron.
La chauve-souris cendrée (Lasiurus cinereus)
Migratrice. Elle mesure de 13 à 15 cm et a une envergure de 34 à 42 cm. Elle pèse entre 20 et 35 g. C’est la plus grande de nos chauves-souris. Son pelage est brun pâle avec l’extrémité blanc cendré. Les poils autours de la face sont jaunâtres.
La chauve-souris pygmée (Myotis leibii)
Résidente. Elle mesure entre 7 à 9 cm et a une envergure de 21 à 25 cm. Elle pèse de 3 à 5 g. C’est la plus petite de nos chauves-souris. Sa face est entièrement noire et ses pattes postérieures mesures moins de 8 mm.
La petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus)
Résidente. Elle mesure entre 8 et 9,5 cm et a une envergure de 21 à 27 cm. Elle pèse 5 à 14 g. Elle possède quelques longs poils qui s’étendent jusqu’à ses griffes.
La chauve-souris nordique (Myotis septentrionalis)
Résidente. Elle mesure entre 7 à 8,9 cm et a une envergure de 21 à 26 cm. Elle pèse de 6 à 9 g. Semblable à la petite chauve-souris brune, on la différencie par ses très grandes oreilles.
La pipistrelle de l’Est (Perimyotis subflavus)
Résidente. Elle mesure entre 7 à 9,8 cm et a une envergure de 20 à 26 cm. Elle pèse de 5 à 7 g. Elle possède des poils tricolores soit gris à la base, jaunâtres au centre et brun à l’extrémité.
Si ce ne sont pas des vampires, alors ce sont des souris volantes?
Les chauves-souris et les souris ont en commun le mot « souris » et leur appartenance aux mammifères. C’est tout. Les chauves-souris font partie de l’ordre des chiroptères (qui veut dire « mains en forme d’ailes » et sont les seuls mammifères à pouvoir voler, alors que les souris font partie de l’ordre des rongeurs.
Comment font-elles pour se tenir à l’envers sans développer un mal de tête ?
Les chauves-souris ont un système sanguin muni de valves qui limite l’accumulation de sang dans leur tête. Elles peuvent ainsi conserver leur énergie lorsqu’elles sont tête en bas en s’enveloppant dans leurs ailes et limiter les dépenses d’énergie pour le décollage en se laissant simplement tomber.
Les chauves-souris sont-elles aveugles ?
Les chauves-souris utilisent l’écholocalisation pour se déplacer et trouver leur
nourriture. Elles émettent des ultrasons de 20 kHz à 100 kHz par leur nez ou leur gueule (un exemple ici). Ces ultrasons ne sont pas audibles par l’humain puisque nous ne percevons que les fréquences de 15 kHz à 20 kHz. Avec ces sons, elles obtiennent des informations sur leur proie comme la distance, la taille et même la texture. Autour d’un feu de camp, il arrive qu’on ait l’impression que les chauves-souris nous foncent dessus et vont se mêler dans nos cheveux. En fait, les moustiques tournent souvent autour de nous à cause de la lumière ou simplement pour nous piquer, d’où pourquoi les chauves-souris peuvent aussi se tenir près. Mais n’ayez crainte, elles peuvent repérer un cheveu humain à plus de 30 km/h et pour elles, le cheveu n’a absolument rien d’intéressant. Bref, malgré qu’elles utilisent l’écholocalisation, les chauves-souris ont une très bonne vision.
Est-ce que quelque chose menace les chauves-souris ?
Il y a trois choses qui menacent de façon importante les chauves-souris. D’abord, il y a les perturbations humaines directes. Quand les chauves-souris sont dérangées dans une colonie de maternité, les jeunes vont souvent être abandonnés et ne pourront survivre d’eux-mêmes. Quand les chauves-souris sont dérangées pendant l’hibernation, elles se réveillent. Ces réveils non naturels sont une dépense d’énergie très coûteuse, car une perturbation peut « brûler » l’énergie qui maintiendrait la chauve-souris en vie pendant 60 jours d’hibernation. Si le dérangement est trop grand, elles peuvent tenter de trouver un autre endroit où hiverner (un hibernacula) ou mourir.
Il y a aussi les perturbations humaines indirectes comme les parcs éoliens. Les parcs éoliens créent des chutes de pression qui sont intenables par les chauves-souris, occasionnant de nombreux décès.
La plus grande menace reste le syndrome du museau blanc; un champignon
microscopique (Pseudogymnoascus destructans) qui crée une infection fongique en colonisant la peau nue (museau et oreilles). Le champignon prospère dans les milieux froids et humides, les endroits tout désignés pour l’hibernation des chauves-souris. D’autant plus que les chauves-souris en hibernation abaissent leur température corporelle et mettent leur système immunitaire en dormance. C’est pourquoi les
mortalités surviennent principalement durant l’hiver. Pour ne rien arranger, le champignon augmente les périodes de réveils « naturels », ce qui entraîne une grande dépense d’énergie (comme décrit pour les réveils non naturels) et fait en sorte que les chauves-souris meurent d’épuisement. Cette infection a causé un déclin sans précédent chez les chauves-souris. Les taux de mortalité sont près de 90 à 100 %.
Si vous voulez en savoir plus, les informations retrouvées ici (et bien plus!) sont disponibles aux sites suivants :